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On a interviewé "risze", joueur PRO belge de Rainbow Six Siege : « Il n’y a pas de recette miracle pour devenir pro » !

Écrit par Gaëtan Thoron alias “clapton”

Quelques jours avant le Six Invitational (coupe du monde R6S), nous sommes allés à la rencontre de risze, l’un des seuls joueurs pros belges sur le jeu et l’un de nos plus grands E-Sportifs nationaux. Après plusieurs années au sommet, il porte un regard toujours aussi passionné, mais aussi réaliste et intransigeant sur la carrière professionnelle dans le secteur et les chances d’y arriver !

Benjamin De Smet, responsable de la structure Activit-E est actuellement à Montréal pour assister au 6 Invitational qui s'y déroule actuellement. 

Un article de la DH eSport en expliquait d'ailleurs récemment tous les détails. 

Pour l'occasion, il a rencontré notre compatriote Valentin "risze" Liradelfo qui évolue au sein de la structure franco-belge Wolves

Interview

Lorsque l’on pense aux E-Sportifs belges professionnels chacun regarde dans son jeu de prédilection.

Que ce soit Targamas et Nisqy pour League of Legends ou AztraL sur Rocket League, les joueurs de Rainbow Six Siege pensent spontanément à « risze ».

Le Liégeois d’une trentaine d’années fait non seulement office de référence dans son pays pour son palmarès et sa longévité, mais aussi sur la scène internationale ! Alors qu’il s’est lancé sur le FPS tactique d’Ubisoft à 23 ans lorsqu’il travaillait comme commercial dans un magasin de matériel informatique, sept ans plus tard, notre représentant est une nouvelle fois au plus haut de la scène internationale avec une quatrième participation au Six Invitational ! Un parcours rare et impressionnant que nous avons souhaité creuser pour tous les fans d’E-Sport et jeunes joueurs rêvant de percer dans le secteur !

Wolves Esports ©

Bonjour Valentin, avant de parler de ton actualité et de cette fameuse coupe du monde qu’est le Six Invitational, nous aimerions en savoir un peu plus sur toi et ta carrière. Quand as-tu commencé l’E-Sport ?

J'ai commencé très tôt en multijoueur sur Call of Duty 2 (CoD 2) que j'avais reçu pour Noël à mes 13 ans ! Après avoir fait la campagne, j'ai décidé de lancer une partie multi en ligne. J'ai directement pris goût à la sensation de jouer contre autre chose que l'IA (Intelligence Artificielle). J'ai continué sur CoD4, mais à l'époque ce n'était pas réellement soutenu par l'éditeur. Il était donc compliqué à cette époquede devenir pro. J'ai donc arrêté pour travailler. C'est un peu plus tard queSiege est arrivé? J'avais alors 23 ans, je travaillais depuis près de 2 ans comme vendeur de matériel informatique. J'ai commencé avec un ami et on est allé remporter le tout premier tournoi R6S de la Gamer Assembly. C'est à cet instantque la machine s'est lancée. Je suis progressivement passé en mi-temps et puis temps plein. Il faut savoir que je suis un grand compétiteur. J'ai joué 12 ans au tennis et c'était frustrant, car je n'étais pas assez endurant ce qui me faisait perdre beaucoup 1de matchs. Alors que dans le jeu vidéo mes limites physiques ne se ressentaient pas et je pouvais compter sur ma technique et intelligence de jeu.

C'est donc grâce à l'E-Sport que tu as pu valoriser tes atouts et tes compétences. Mais, est-ce que cela suffit ? Si tu regardes dans le rétroviseur et que tu devais conseiller de jeunes joueurs qui rêvent d'y arriver, que leur dirais-tu ?

Il n'y a pas de recette miracle, c'est un tout. Il faut être bon, jouer beaucoup au jeu, faire attention à sa santé mentale, faire attention au burn-out. Mais aussi avoir un bon réseau et soigner son image. Malheureusement, parfois on rêve d'y arriver, mais on n'y est juste pas destiné. Il y a une raison à cela.

Il s'agit donc aussi d'opportunités. Le talent et le travail ne suffisent pas. Le réseau et tomber sur les bonnes personnes au bon moment sont indispensables. Vous avez des exemples concrets dans votre équipe d'ailleurs avec un jeune joueur qui n'avait pas d'expérience au niveau professionnel, mais qui vous a rejoint…

Notre joueur Mowwwgli est un bon exemple. Il n'aurait tout aussi bien pas pu être recruté. Son nom a été mis sur la table, mais on a d'abord testé des joueurs qu'on connaissait et ça ne se passait pas forcément bien. Nous venions de nous séparer de Kaktus qui est un très bon joueur. Nous voulions donc être sûr de recruter le bon joueur. Yanis, alias Mowwwgli, avait un profil particulier et dégageait une certaine image sur les réseaux. Mais nous l'avons quand même testé et il a dévoilé un talent inné. Nous avons donc fait le pari de le recruter et de l'encadrer. Je voudrais aussi répondre à ceux qui parlent sans cesse de copinage. Nous sommes des professionnels et notre objectif est de performer. Nous devons répondre aux attentes du club. Pour réussir, nous recrutons des profils et pas que des copains.

Et le résultat a été probant avec une rapide montée en puissance, une première place en European League, une qualification au Major et surtout au Six Invitational.

Oui. Mais ce qui est sûr, c’est que tout le monde n’a pas les compétences personnelles pour y arriver comme lui. Il faut démystifier le « quand on veut on peut ». Il y a plein de variables à prendre en compte et il faut se démarquer des autres. Par exemple, pour mon cas personnel j’ai eu de la chance de tomber sur Rainbow Six Siege. Nous étions pionniers dans le secteur et à cette époque nous avons vite repéré les joueurs et équipes qui allaient performer. Tout s’est bien goupiller pour moi. Il y a donc aussi pas mal de chance dans tout cela.

Au-delà de la scène internationale, la première étape pour les jeunes joueurs est la scène nationale. En Belgique il s’agit du Benelux. Quel regard portes-tu sur cette compétition ? Pourquoi est-elle moins réputée ? A-t-elle vraiment moins de niveau que ces voisines ?

Ce qu'ils font en Benelux (BNL) est vraiment bien. Il y a des gens passionnés qui adorent leur métier. Mais lorsque l'on va en French League (lige nationale française), on se prenait trois équipes d'European League dans le championnat. Alors qu'en BNL il n'y en a pas (NDLR : tout au plus de Challenger League, D2 Europe). Après, il y a moins d'habitants qu'en France et l'E-Sport y est plus développé. Mais pour moi ce n'est pas lié uniquement à la scène de R6S. Dans l'E-Sport belge, de manière générale, nous ne sommes pas beaucoup et moins encadrés. Il y a même parfois des joueurs qui viennent me demander comment faire au niveau de la fiscalité (le statut d'E-Sportif pro en Belgique n'étant pour l'instant sans cadre légal). C'est aussi compliqué d'avoir une structure belge qui peut viser le top. Ce n'est pas évident !

Passons au plus réjouissant ! Vous êtes parvenus à vous qualifier pour le Six Invitational. Mais cela a été un long chemin depuis ta dernière participation…

Celui-ci sera mon quatrième. Lors des trois précédents j’ai chaque fois échoué en phase de groupe dans un format nettement plus cruel que l’actuel. Et à l’époque j’étais dans une équipe internationale (NDLR : où les joueurs communiquent généralement en anglais). Ce n’est pas la même culture, ni la même gestion dans un événement à part.

Pour ce qui est de ton équipe actuelle chez les Wolves, cela fait aussi un bout de temps que vous êtes ensemble après avoir traversé vents et marrées depuis votre départ de Vitality….

Au départ nous avions une équipe internationale avec laquelle nous avons manqué plusieurs Majors et Six Invitational. Depuis, Biboo et moi sommes coéquipiers depuis trois ans. Depuis nous avons repris les commandes de l'équipe avec un projet qui nous correspond. Nous avons une vision similaire et, depuis, nous n'avons fait qu'un seul changement. Ce qui est très stable. Depuis que nous avons été remerciés de chez Vitality, nous n'avons fait qu'évoluer. Pourtant, cela a été très compliqué, car nous évoluions à plein temps, sans structure et donc sans salaire. Malgré cela, nous sommes parvenus à nous qualifier pour un Major. C'est notamment grâce à une autre gestion de l'humaine et notre manière de communiquer. Ce que nous n'avions pas il y a trois ans.

Avec ces résultats et sa confiance aveugle en Robin, son manager de toujours, risze et les siens ont fini par trouver de nouvelles couleurs avec l’équipe E-Sportive créées par le club de foot de Premier League, Wolverhampton.

Nous sommes très heureux de les avoir rejoint. Ils ont tout fait pour que nous soyons dans de bonnes conditions.

Pour en revenir au Six, comment une compétition de cette envergure se prépare-t-elle ?

Elle se prépare comme n'importe quel Major. La seule chose, c'est que nous avons reçu la composition de groupe tard. Ce qui n'est pas l'idéal. Donc, en résumé, nous avons une bonne dose d'entrainement, d'analyse des adversaires et surtout beaucoup de mental. Car, le plus important est d'être prêt mentalement pour le jour J. (Au moment d'écrire ces lignes, les Wolves s'étaient qualifiés pour les demi-finales, malgré des débuts compliqués en phase de groupe avec deux défaites consécutives sur le score de 2-0).

Pour l'entraînement des professionnels, nous parlons souvent de bootcamp. Quel est ton rythme entre les entraînements offline en groupe et ceux de chez toi ?

Ça dépend des clubs et comment on sent les choses. Chez « V » (Vitality) nous avions un rythme avec beaucoup de bootcamps. Ce qui était bien pour la cohésion d'équipe. Chez les Wolves nous avions la volonté d'en organiser plus que ce que nous avons fait. Mais ils n'avaient pas encore les locaux lors de notre recrutement. Une fois que cela a été le cas, l'occasion ne s'est plus trop présentée à cause du calendrier. Nous avons donc beaucoup travaillé de chez nous. Il ne faut pas non plus oublier que l'accessibilité est plus compliquée en Grande-Bretagne. Nous avons donc privilégié le travail de chez nous et la direction a été super accueillante et compréhensive. Nous avons tout de même bénéficié d'un bootcamp pour le Major en Suède. Sinon notre rythme de travail est de 14h à 22h à domicile.

Vainqueur de French League, de la Gamers Assembly, de la Pro League et d'un Minor à Austin (USA), il te manque encore un sacre en Major. Mais maintenant que tu passes la barre des 30 ans, que pouvons-nous te souhaiter pour les prochains mois et prochaines années ?

À mon âge je suis vu comme quelqu'un de vieux dans l'E-Sport. Mais je me débrouille pas mal et j'ai toujours autant envie de jouer et de gagner tant qu'on ne me dit pas stop. Après le Six, je continuerai de jouer tant qu'on estime que j'ai encore le niveau et qu'on veut bien de moi (sic). Sinon, à long terme je veux continuer à bosser dans le secteur comme coach pourquoi pas ? Ou dans un rôle un plus en coulisses. Mais pour l'instant j'ai toujours faim…

Nous te souhaitons donc de décrocher ce fameux titre de Major. Pour clôturer, souhaites-tu passer un message aux personnes qui te suivent et t'encouragent ?

Il y a pas mal de supporters belges et de jeunes joueurs qui m'encouragent. Ça me réchauffe le cœur. Ça nous envoie des « good vibes » quand ça se passe mal et ils nous font encore plus kiffer dans les bons moments. Merci à eux ! On va viser le six Pour la patrie !

Écrit par Gaëtan Thoron alias “clapton”
Administrateur et Rédacteur principal pour la DH, il est responsable aussi de toute la partie partenariat et marketing de Lan-Area.be